Laura Garcia Vitoria

Territorios del conocimiento/Territoires de la connaissance Sociedad del conocimiento/Société de la connaissance : les regards sur l'identité personnelle et professionnelle dans la société de la connaissance

12/09/2012

Dialogue sur l’humanisme de demain


Échanges avec un collègue s’inquiétant du peu de visibilité dont font preuve ses entourages et contemporains…

Très cher ami,

Je vais tenter de répondre à tes préoccupations et recherches sur ce que tu appelles «le pouvoir de la technologie numérique»… Je m’efforcerai par la suite de formuler les arguments nécessaires afin que nous nous mobilisions pour cette économie de la connaissance et des savoirs qu’il est à présent urgent de contribuer à mettre en place. Tu t’inquiètes de voir les sciences incorporer à leur méthodologie les  nouveaux apports de la culture numérique, alors que précisément les humanités, l’histoire de l’art… paraissent ne pas avoir enrichi leur méthodologie de cette façon. Ce qui attire en effet de manière générale l’attention est le peu d’intérêt que suscite ce «nouveau pouvoir de la technologie numérique» dans ses rapports avec les sciences sociales et humaines. J’admets qu’il s’agit là à la fois d’un thème polémique et complexe, tant il est vrai que les «nouvelles technologies» ouvrent leur horizon à de nouvelles méthodologies.

En vérité, nous nous trouvons au départ devant un double état des lieux:

1 - d’une part, on ne peut que constater la multiplication au sein de jeunes entreprises innovantes de technologies de mise en valeur du patrimoine historique ou des sciences humaines.

2 - d’autre part, les universités et institutions cognitives privées et publiques ignorent de fait totalement l’énorme travail réalisé par les experts jeunes ou moins jeunes qui font interagir les sciences humaines avec les champs technologiques sans faire partie de ces institutions en matière d’applications utiles et rentables dans des domaines par exemple d’itinérance cognitive ou de réalité augmentée…

Je te comprends donc complètement, mais il est de fait que la majorité des institutions évoquées n’ont vu à ce stade de leurs priorités ni le moindre intérêt public, ni encore moins le bien commun. Je pourrais ici citer bien des exemples vécus, mais je me restreindrai aux frontières du «politiquement correct».

Tu m’évoques à titre d’illustration le dernier congrès national d’histoire de l’art, mais ne se perçoivent là que les reflets du jeu universitaire des deux dernières décennies, et non à l’évidence la réalité actuelle tant sociétale que culturelle, tant économique que technologique.

On n’y trouve là surtout aucun des mouvements intellectuels qui caractérisent nos horizons d’aujourd’hui et de demain, qu’il s’agisse de ce que l’on appelle «la science de la nuit» ou encore la «science sans théorie».

En ce qui concerne l’alphabétisation numérique (notamment dans le monde littéraire), il est important de noter que celle-ci a complètement changé de statut et l’essentiel des réussites que l’on peut noter en ce domaine sont indépendantes des institutions et souvent récupérées par des acteurs qui les développent à leur seul profit, sous forme notamment de projets européens et internationaux

IL faut bien sûr évoquer la création de grandes bases de données numériques (big data) avec la finalité de faciliter la  communication et l’échange d’information entre différents systèmes et entités, mais l’utilisation des bases de données ouvertes représente bien plus que cela en conférant aux divers acteurs une réelle capacité d’accéder aux données publiques et de transformer celles-ci en services spécialisés utilisables par tous.

On assiste bien au-delà au développement d’outils numériques concrets dans quasiment toutes les catégories de sciences humaines, comme le montrent les nombreuses rencontres organisées à l’attention justement des jeunes entreprises innovantes. Constatons néanmoins objectivement que les acteurs anglo-saxons savent utiliser de telles présentations et réalisations à leur seul bénéfice… Tout cela sans que nombre de chercheurs s’en aperçoivent !

Notons aussi que de nouvelles hypothèses et de nouvelles questions émergent de la part d’une nouvelle génération de chercheurs. C’est précisément le cas de quelques espaces d’innovation publics ou privés qui organisent tout autrement la transmission des connaissances, de nouvelles structurations méthodologiques et de nouvelles manières surtout d’échanger les savoirs.
Tu évoques à cet égard l’utilisation de licences libres et le travail collaboratif de manière générale, ceci tant naturellement entre les chercheurs de l’art et des sciences humaines que tu évoques que les informaticiens et autres développeurs d’outils que nécessite notre économie de la connaissance en émergence. L’interdisciplinarité est incontestablement à redécouvrir dans ses fondements de demain! La sémantique utilisée a en effet changée et précisément celle de liens entre disciplines qui reflètent une économie basée sur la relation
Il en est ainsi du travail collaboratif qui à ce jour ne bénéficie pas encore de cadres d’action efficaces et équitables qui, on peut l’espérer, permettront à l’avenir de répartir les bénéfices espérés en fonction du travail réellement réalisé.

De manière générale, les agrégations de données précédemment évoquées permettent aujourd’hui des horizons à l’évidence plus ouverts que tout ce que les outils du XIXème siècle nous avaient conduits à rechercher. C’est à ces nouveaux défis et à bien d’autres qu’il nous faut aujourd’hui consacrer l’essentiel de nos forces. Et c’est à un gigantesque travail de transition qu’il nous faut désormais nous consacrer!