Congrès S3C et «Cities for Life»: entretien avec Laura Garcia Vitoria
Entretien avec Laura Garcia Vitoria
Vous représentez les acteurs de
près d’un quart de siècle de présence des villes et des territoires sur
les réseaux et de manière générale les échanges qui ont marqué dans le
monde les deux premières décennies de l’histoire de l’Internet,
notamment à l’occasion des appels de Venise (1996) et de Logroño (2012).
Aujourd’hui, alors que l’expression de «smart city» semble représenter
un tournant majeur de la représentation qui est la nôtre de nos villes
et de nos régions et dont le présent congrès trace un portrait à
l’échelle de l’ensemble de la planète, il s’avère donc tentant de vous
demander ce que sont à votre sens les vecteurs mêmes de qu’il est ainsi
convenu d’appeler l’intelligence urbaine et territoriale.
Vous évoquez à juste titre l’ampleur de la mutation qui est celle de la
seconde décennie de ce siècle, une mutation qui naturellement ne se
limite pas à sa traduction purement sémantique. Délivrés que nous sommes
de la rhétorique peu féconde de la quête d’une pseudo «citoyenneté» qui
ne reflétait en réalité qu’un ensemble d’ignorances historiques,
culturelles, voire technologiques…, nous pouvons nous autoriser une
vraie transparence dans le cadre notamment des nouvelles formes
d’économie que nous voyons se développer sous nos yeux: transparence
des motivations et des modèles économiques, transparence également des
comportements et des réalisations qui caractérisent tout
particulièrement les laboratoires d’innovation et tous les lieux
d’accélérations des projets qui se démultiplient autour de nous. Tout
ceci rend les années que nous vivons particulièrement passionnantes dans
la mesure où c’est dans cette économie de la connaissance que prennent
leurs racines les vecteurs de l’intelligence des collectivités locales
que vous évoquez. Gare donc aux soi-disant classements entre «startup
cities» qui s’efforcent d’uniformiser ce qui non seulement ne saurait
l’être, mais où précisément, tout au contraire, c’est la gestion de
l’identité qui conforte son attractivité et ses polarités de
compétences. Les résultats de certains de ces Ranking s’avèrent ainsi
totalement dépourvus de significations autres que celles que suggère à
leurs promoteurs leur propre vision de la ville de demain.
Les laboratoires et autres
espaces d’innovation sont précisément au cœur de votre action depuis le
tournant de ce siècle. Living Labs, Fab Labs et autres Médialabs sont
les ateliers et les fabriques de notre futur – comme plusieurs séances
le montreront dans le cadre de votre congrès -. Pourquoi les avoir
réunis au sein de réseaux tels que LEILAC et le RELAI?
Nous nous sommes en effet pendant plusieurs années occupés de leur
coopération, car ce sont eux qui se trouvent au cœur du fonctionnement
et des attentes de nos villes intelligentes. Ces espaces de co-working
et de co-making sont de véritables laboratoires d’innovation et
d’inventivité. Des Med-Tech aux FinTech et aux Food Tech, ces lieux de
réflexion donnent naissance à quantité de projets et à la création de
multiples jeunes entreprises innovantes. D’où le rôle majeur d’une
culture du lien remplaçant les champs disciplinaires d’autrefois au
travers des mécanismes multiples de l’accélération et de l’incubation
indispensables à la construction d’une économie contributive,
collaborative et fonctionnelle.
Vous aurez l’occasion dans une
séance plénière de votre congrès d’esquisser une sorte de tour du monde
de l’intelligence urbaine, poursuivant ainsi une précédente introduction
à un tel voyage immersif en tant que guest speaker au congrès mondial
des technologies de l’information de Guadalajara (Mexico). Quoi de neuf
donc en un an au pays des smart cities ?
Lorsque l’on a eu la chance d’accompagner les collectivités locales
depuis, vous le disiez, la naissance de l’Internet, on mesure combien
s’achèvent aujourd’hui les frasques de quelques «professeurs Tournesol»
qui pensaient, pour on ne sait quelle raison, détenir des savoirs qui
leur seraient réservés tout en mettant en même temps l’accent sur le
rôle des habitants et des usagers. Au-delà des réseaux de villes numériques
et connectées dont nous avions tracé l’histoire à la Cité des Sciences
dès la fin du XXème siècle (1998), c’est d’abord à l’émergence un peu
partout dans le monde de véritables villes et quartiers de la
connaissance que nous assistons. Notre monde se structure toujours plus
en hubs et en réseaux de savoirs: comme le souligne André Jean-Marc Loechel dans son prochain ouvrage à paraître, c’est toute la planète qui devient laboratoire.
En même temps qu’au S3C, vous participerez au meeting «Cities for Life»
organisé par vos collègues et amis de Medellin (Colombie) – les deux
manifestations les plus importantes de l’année auront ainsi lieu en même
temps et se partageront les rencontres et interventions les plus
attendues de la rentrée -. Pourquoi donc Paris et Medellin ?
En réalité les deux villes, malgré tout ce qui peut souligner leurs
différences, partagent tout d’abord des ambitions identiques: elles
constituent toutes deux de véritables vitrines de l’économie du savoir
dont nous venons de parler, mais sont également convaincues de la
pertinence des collaborations entre les villes dans ce domaine. Et c’est
d’ailleurs au soir du 31 août que sera présentée la plate-forme de
collaboration internationale qui sera le grand acquis de cette rencontre
et, avec le réseau social que nous sommes en train de construire, nous
serons évidemment heureux de nous y associer.
Que présenterez-vous par ailleurs à Médellin ?
Il nous a précisément été proposé par Paola Pollmeier, responsable de
l’organisation, d’animer une session de co-création consacrée aux «Living Labs et espaces d’innovation».
Le comité d’expertise qui en sera issu, aura à l’avenir une réalité
d’autant plus importante qu’il sera au service des grandes organisations
internationales pour accompagner leurs Living Labs et l’ensemble de
leurs espaces d’innovation.
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