Quand prenez-vous vos pauses-savoir?
Des pauses en vidéo
C’est une belle histoire, du moins jusqu’à présent… En juin 2006, Peter Hopkins, diplômé de Harvard, comme le raconte un récent article du New York Times, présente à l’économiste Lawrence H. Summers, ancien secrétaire au Trésor, l’idée qu’il avait développée avec son amie Victoria Brown: créer un site web qui pourrait devenir tout à la fois le «You Tube et le Facebook des intellectuels». Ce «You Tube des idées» s’appellerait Big Think (www.bigthink.com) dans lequel Lawrence Summers décida un an après d’intervenir dans le financement, avec pour objectif donc un nouveau site de vidéos, présentant les avis des grands esprits du monde politique, académique, scientifique ou des affaires: offrir donc aux utilisateurs des “pauses savoir” en vidéo. Une démarche caractéristique des initiatives indispensables à un réel développement d’une société de la connaissance.
Ses investisseurs sont Peter Thiel, l’un des grands noms du capital risque de la Silicon Valley et co-fondateur de PayPal - le site par excellence du paiement en ligne - et donc Larry Summers, également ancien président d’Harvard. Chaque vidéo présente une célébrité intellectuelle répondant à une simple question entre trois et cinq minutes. BigThink a été lancé avec 2000 clips de 85 présentations. Avec ses 2000 clips, il devrait se remplir rapidement. Le fondateur souligne que cent autres heures de vidéo sont en cours de montage et qu’une séquence d’entretiens quotidiens est programmée pour bientôt. Il existe certes des intellectuels qui ne sont pas forcément faits pour ce genre d’exercice, mais le design est réussi. Surtout, les spectateurs peuvent voter sur ces vidéos, entamer un débat et exprimer leurs opinions, au travers de commentaires et de suggestions: des questions seront aussi acceptées prochainement sous la forme de vidéo, audio ou de texte. Les demandes n’apparaissent que sous forme textuelle au bas de l’image, une démarche qui, à l’usage, apparaît particulièrement pertinente: tout doit être au service des idées, des analyses et des savoirs, le reste importe peu.
Ces entretiens recouvrent une grande quantité de domaines, du droit aux questions économiques, ils sont souvent réellement faits pour engager des débats sur des thèmes d’actualité, mettant néanmoins ici en scène de vraies expertises, de vrais savoirs et non le bavardage insensé que l’on nous assène aujourd’hui de toutes part sur des sites qui se pensent libérés de toute validation scientifique. Les applications proches de Facebook apportent la dimension de réseaux sociaux compétents et informés, où notamment étudiants et diplômés pourront trouver de véritables sources fiables et non des textes que tout à chacun s’estime en droit de rédiger. Il est particulièrement intéressant à cet égard de voir Peter Hopkins invoquer à cette fin John Locke et John Stuart Mill: tout un programme que nous appelons universitaires et scientifiques à reprendre pour assurer en la matière un vrai destin à la francophonie!
Bigthink rejoint en tout cas d’autres acteurs précurseurs tels que Fora.Tv qui, elle aussi, rassemble des vidéos d’intellectuels, politiciens et hommes d’affaires. Il accompagne aussi tout un courant formé d’initiatives multiples dont la moindre n’est pas celle de Google.
Googlepedia s'appellera "Knol"
Le dernier billet du blog officiel de Google annonce en effet le lancement tant attendu d'une version béta de "knol". Google depuis 2004 s'est lancé dans la bataille de la connaissance avec d’abord le projet GoogleBooks qui concerna déjà une connaissance "labellisée", "inscrite", faisant autorité et disposant d'auteurs. Aujourd’hui, "Knol" - contraction bien sûr de "Knowledge" - se veut un service encyclopédique dépassant là aussi les concepts d’espaces fourre-tout trituré par tout à chacun: «Notre but, est-il souligné, est d'encourager les personnes qui connaissent bien un sujet à écrire un article de référence»: un "knol" sur un sujet particulier a vocation à être, est-il encore dit, la première chose que doit lire quelqu'un qui cherche quelque chose à ce sujet sur le web en matière de concepts scientifiques, information médicale, histoire, géographie et tous produits informationnels». Il s’agira donc d’une page web pour laquelle Google fournira les outils faciles à utiliser de création et d'édition et hébergera gratuitement les contenus. Il est tout particulièrement important de constater que les knols incluront surtout des références bibliographiques et des liens vers des informations complémentaires. Il s’agit par ailleurs de «mettre les auteurs sur le devant de la scène», même si pourront naturellement être proposés commentaires, questions et surtout contenus additionnels et si tout le monde pourra voter pour un «knol» ou donner ses impressions. Par ailleurs, il y aura plusieurs Knol en concurrence sur un même sujet. On n'interviendra enfin pas sur les contenus, le contrôle en «restera aux mains des auteurs»: «nous pensons que savoir qui a écrit un article aidera de manière significative les usagers à faire un meilleur usage du web». Sera désigné un seul auteur par article qui sera signé.
Un vrai modèle économique est également tracé: «Au bon vouloir de l'auteur, un "knol" pourra inclure de la publicité. Google lui reversera alors une part substantielle de ces revenus publicitaires». Celle-ci devrait être supérieure à celle traditionnellement reversée via les offres publicitaires standarts.
On a pu souligner que Knoll choisit de la sorte une démarche proche du projet initial de wikipedia - Nupedia - avec des sujets autorisés et reposant sur des experts (on sait notamment que Larry Sanger n’a pas su mobiliser notamment les bonnes expertises), tout comme tous les projets les plus sérieux, tels que Véropédia et surtout Citizendium. Beaucoup de commentateurs l’ont souligné avec pertinence: Google sait une fois de plus répondre aux attentes de ses utilisateurs en matière de projet encyclopédique et de référentiels de savoir.
D’aucuns ont pu évoquer la genèse d'une «nouvelle forme d'encyclopédisme», alors même que les mutations de nos écosystèmes culturels sont bien plus exigeants au travers de nouveaux rapports aux savoirs, à leur structuration et surtout à leur déploiement, imposant parfois il est vrai de nouveaux dilemmes par exemple entre autorité et notoriété! Notons en réalité un aspect moins évoqué: celui de convergences avec de nouveaux types de supports: Google et Matsushita ont ainsi annoncé un partenariat pour proposer les services du premier sur les téléviseurs du second. La convergence des supports devrait se concrétiser dès le premier semestre 2008 - où les premiers téléviseurs devraient être sur le marché nord-américain - avec le lancement du téléviseur Viera de Panasonic. Capables de se connecter à Internet, ces téléviseurs permettront d’afficher des services web de Google comme la plateforme YouTube ou le service de photos Picasa. Bientôt sur le marché des mobiles avec androïd, Google se lance donc sur le marché de la télévision. En s’associant au groupe Matsushita (propriétaire de Panasonic et JVC), Google rendra ses services disponibles sur la gamme Viera de Panasonic, capable de se connecter à Internet, par le biais d’une interface de navigation spécifique, grâce à la technologie «Viera Cast» et d’afficher des services web comme… Knol (AOL et Yahoo ont d’ailleurs annoncé un accord du même type avec Sony et Samsung lancera prochainement des téléviseurs connectés, dotés d’une interface similaire).
Références à l’histoire et usages linguistiques de Wikilengua à Herodote.net
Au départ du site Herodote.net, c’est une autre histoire encore de références à des savoirs au travers de l’échange de mails entre amis : celle d’un passionné d'histoire et ancien journaliste, André Larané, qui - comme l’évoque un article du Monde - agrémente ses courriers électroniques quotidiens d'un rappel des événements du passé qui se sont produits le même jour. Entre 15 000 et 20 000 internautes visitent chaque jour ce site qui compte 35 000 abonnés à sa newsletter et quelque 4 000 adhérents payants, un site où l’on peut consulter plus de 2 000 articles, 200 dossiers thématiques, des centaines d'illustrations, de cartes, et de documents multimédia, avec bien évidemment des biographies, des citations, des commémorations... Le créateur du site met les faits en perspective et s’efforce d’éclairer les événements à la lumière de l'histoire. Il s'appuie aussi sur une petite équipe de professeurs francophones et de collaborateurs extérieurs. Le journal souligne que «si les internautes peuvent réagir aux articles, M. Larané n'a en revanche pas cédé aux sirènes du Web 2.0 et de l'Internet participatif»: «Les internautes nous proposent des articles, mais ce n'est pas facile de trouver des personnes fiables ». Ici, point de publicité : quatre mille internautes ont adhéré à la zone payante : pour douze euros par an, ils deviennent des "amis d'Hérodote" et peuvent avoir accès notamment à des documents mutimédia. Herodote.net est aujourd’hui disponible sur les téléphones portables et les assistants personnels, s’engageant ainsi sur les voies de nouvelles formes de tourisme de la mémoire que nous avons par ailleurs préconisé.
La «Fundación del Español Urgente» (Fondation BBVA) et l’Université Autonome de Madrid lancent quant à elles une encyclopédie collaborative spécifiquement consacrée à la langue espagnole et qui entend se consacrer à résoudre tous les doutes possibles quant à son usage. El Pais souligne dans un autre article récent que se mobilisent à cette fin, au travers d’une participation concrète à cette initiative, auteurs, traducteurs, éditeurs, linguistes, correcteurs, mais aussi professeurs, étudiants et journalistes et de manière générale toutes personnes individuellement ou comme membre d’une entité collective intéressées par la langue espagnole et désireux de valoriser et partager leurs savoirs en ce domaine.
Le président de la Fondation BBVA et directeur de l’Académie Royale Espagnole insiste sur le fait que ce site web ne prétend se substituer à aucune institution ou encyclopédie. Et là encore, une équipe d’experts garantira la prétention à l’objectivité du projet; à cette fin, les dates et heures des dernières révisions seront naturellement indiquées. Le recteur de l’UAM (Université Autonome de Madrid), souligne que son institution collaborera par ailleurs à la supervision et l’incorporation de mots nouveaux, et ceci au travers d’un astucieux programme de suivi des pratiques d’écriture des étudiants. Une invitation évidente à la participation de toutes les autres universités du monde hispanophone…
Le président de la Fondation BBVA et directeur de l’Académie Royale Espagnole insiste sur le fait que ce site web ne prétend se substituer à aucune institution ou encyclopédie. Et là encore, une équipe d’experts garantira la prétention à l’objectivité du projet; à cette fin, les dates et heures des dernières révisions seront naturellement indiquées. Le recteur de l’UAM (Université Autonome de Madrid), souligne que son institution collaborera par ailleurs à la supervision et l’incorporation de mots nouveaux, et ceci au travers d’un astucieux programme de suivi des pratiques d’écriture des étudiants. Une invitation évidente à la participation de toutes les autres universités du monde hispanophone…
Vers une décennie d’évolutions technologiques décisives pour l’économie du savoir
Bill Gates a, dans son introduction de l’édition 2008 du CES de Las Vegas, annoncé une nouvelle décennie d'évolutions technologiques encore plus rapide que la précédente. «La première décennie numérique a été un énorme succès. Mais ce n'est qu'un début : rien n'empêche que nous allions encore plus vite et encore plus loin durant la deuxième», a-t-il dit. Selon lui, si le clavier et la souris ont marqué la première décennie numérique, la deuxième sera dominée par les «interfaces naturelles». Et, pourrait-on ajouter sans donc trop de risque d’erreurs, aux savoirs auxquels elles vont nous donner accès.
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